
L’installation est une pratique très courante des arts plastiques, pourtant elle est un genre assez récent qui a su s’implanter avec force. Voici une définition et de nombreux exemples pour le plaisir de la promenade artistique virtuelle.
Installation : C’est une forme d’expression artistique assez récente. L’installation est généralement un agencement d’objets et d’éléments indépendants les uns des autres, mais constituant un tout. Proche de la sculpture ou de l’architecture, l’installation peut-être in situ, c’est à dire construite en relation avec un espace architectural ou naturel. L’œuvre devra s’adapter à un lieu donné. L’installation va occuper un espace intérieur ou extérieur.
L’installation sous-entend un dispositif de présentation.
Dispositif de présentation : C’est la manière de présenter le travail artistique, d’associer plusieurs éléments entre eux.
Différence entre installation et installation in situ :
Une simple installation propose un ensemble d’éléments qui forment un tout adaptable à un lieu d’exposition.
Bill woodrow, Elephant 1984, © Bill woodrow
Ici, Bill woodrow utilise des portières de voiture et des cartes géographiques qu’il découpe afin d’en extraire une nouvelle forme. Cette installation nécessite un support mural et le sol pour sa présentation, mais elle peut être déplacée en différents lieux ; le message de l’œuvre n’en sera pas affecté.
Lorsqu’elle est in situ, il se tisse alors un rapport étroit entre l’œuvre et le lieu, son histoire, ce qu’il représente, la façon de percevoir du spectateur, l’espace formel…
Par exemple dans l’œuvre de Daniel Buren ci-dessous, le travail de l’artiste met l’accent sur le lien entre l’œuvre et le lieu :
Daniel Buren, Les Deux Plateaux, communément appelée « colonnes de Buren » réalisée avec l’aide de Patrick Bouchain dans la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris, en France
260 colonnes de marbre noir et de granito blanc alignées sur le sol noir légèrement bombé de la cour d’honneur du Palais-Royal. Des spots encastrés projetant des lumières rouges d’un côté, vertes de l’autre.
Ses oeuvres in situ soulignent, contrarient ou mettent en valeur les caractéristiques des lieux qui l’accueillent. Elles interrogent la perception, la couleur, l’architecture ou les relations spatiales qu’entretiennent l’œuvre, le lieu et le spectateur. Elles visent généralement une perception directe sollicitant la sensibilité et la réflexion du spectateur. Les colonnes révèlent les limites à la fois spatiales, institutionnelles et esthétiques d’une œuvre.
En référence à la statuaire antique, l’œuvre est faite en marbre de Carrare et en marbre noir des Pyrénées, qui sont considérés comme les matériaux les plus nobles de la sculpture (utilisés par exemple par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, ou par Rodin). Les colonnes sont toutes alignées : là encore, une référence à l’architecture antique du lieu. Les colonnes sont dans des tranchées rappelant l’histoire du lieu, qui fut auparavant, en 1899, transformé en une usine électrique semi-enterrée et dans le but de révéler le sous-sol.
La façon dont sont disposées les colonnes joue des rythmes entre les lignes, les colonnes des bâtiments et celles des colonnes.
Il est clair que l’installation propose un rapport au spectateur dont la promenade va être aiguillée parfois ou encore celui-ci va être littéralement immergé dans l’œuvre. Certaines installations pourront aussi amener la participation du spectateur, rejoignant le happening.
Happening : De l’anglais « to happen » qui signifie « arriver », « se produire ». Les happenings sont des manifestations collectives qui se déroulent selon un plan mais sans répétitions. Il n’y a pas forcément de public mais des intervenants qui participent à l’événement (à la différence de la performance, qui est une action artistique qui se produit devant un public). Si le compositeur américain John Cage fut le premier à réaliser un happening, Allan Kaprow développa l’idée et utilisa pour la première fois le terme en 1957.
Les concepts d’environnement et de happening apparaissent en 1950 dans les recherches d’Allan Kaprow. Dans un article intitulé « l’héritage de Jackson Pollock » publié en 1958, il constate deux possibilités face aux dripping de Pollock : soit continuer la peinture soit l’arrêter définitivement. Kaprow arrive à concilier les deux : il cesse de peindre tout en maintenant vivant l’héritage de Pollock du all-over (partout, pas de limite à l’œuvre en dehors de celle du support) voir aussi https://fr.wikipedia.org/wiki/All-over
Allan Kaprow, Yard, 1961, Gelatin Silver print Allan Kaprow papers, ca. 1940-1997, Research Library, The Getty Research Institute, Los Angeles, California (980063) © Ken Heyman-Woodfin Camp (photo courtesy de: www.hauserwirth.com)
L’installation n’est lié a aucun mouvement artistique particulier, elle est plutôt un genre qui élargi le champ de la sculpture. Cette forme d’expression date de la moitié du XXe siècle. Ni tableau, ni sculpture, ni architecture, ni décor, chacune des réalisations renouvelle le rapport entre l’oeuvre, le lieu et le spectateur. Ce nouveau genre est destiné pour beaucoup à prendre la place de la peinture au cœur de la création plastique.
L’installation cherche à remettre en question ses propres limites.
Beuys joseph Plight 1958 1985
La relation entre l’artiste et le spectateur.
L’artiste veut faire partager au spectateur une expérience sensitive au contact de l’œuvre. Le spectateur est alors actif et non plus passif. Placé au cœur du processus artistique, il est immergé dans un environnement où tous ses sens sont stimulés. Il est souvent confronté à la théâtralité de l’œuvre.
Christian Boltanski, Personnes, installation au Grand Palais dans le cadre de Monumenta, 2010
https://www.youtube.com/watch?v=7I5k5Zbcx-M
« Ici ,Boltanski a décidé que l’exposition ait lieu en plein hiver,que la salle ne soit pas chauffée,éclairée seulement par l’oeuvre, pour mettre en condition les spectateurs.Ici, le spectateur est face à un spectacle total : il est dans le spectacle, il devient acteur, il intervient dans le dispositif et fait partie d’un tout englobant. Les spectateurs sont aussi les » personnes » tître de l’exposition… » (extraits interview du commissaire de l’exposition /Art Press janvier 2010)
The rain room, rAndom international, 2012
La salle de pluie est une installation artistique à base d’eau créé par rAndom international . Au cours de sa semaine de fermeture au MoMA de New York, les gens attendaient l’expérience en ligne pendant 13 heures. C’est un espace de 100 mètres carrés qui recycle des centaines de litres d’eau par minute. Pour la part amusante, vous pouvez marcher à travers l’installation immersive, sans être complètement trempé. The Rain Room est constituée de caméras 3d et de capteurs de mouvement, qui permettent de suivre les mouvements des spectateurs et instantanément d’arrêter la pluie de tomber. Cette expérience inhabituelle, vous donne le pouvoir de contrôler la pluie.
The Infinity Mirror room, Yayoi Kusama
Barbara Kruger
Cai Guo-Qiang, Head on, 2006, feuille de verre et 99 répliques de loups grandeur nature, dimensions variables. Vue de l’installation au Deutsche Guggenheim, Berlin, 2006. Photo par Hiro Ihara et Mathias Schormann. Courtoisie Cai studio, New York.
Cette œuvre boulversante montre une meute de loup parfaitement déterminé à aller se heurter sur une vitre.
Cai Guo-Qiang, Falling Back to Earth, Galerie Queensland d’Art Moderne en Australie
Carlos Amorales at Palazzo delle Espozioni à Rome
Carlos Amorales
Surasi Kusolwong
Surasi Kusolwong, Emotional Machine VW, 2002-2004, Palais de Tokyo ; Photo: Daniel Moulinet.
Surasi Kusolwong – Acclaimed Performative
Depuis 1996, Surasi mêle performances et installations pour questionner la consommation des temps modernes , l’ économie mondiale et les valeurs matérielles . Les installations de Surasi Kusolwong brisent les barrières formelles de l’art traditionnel de façon conviviale et ludique. Ses œuvres invitent souvent le spectateur à participer.
Dans cette installation interactive, Surasi invite les visiteurs à fouiller dans une chambre remplie d’une immense montagne de déchets de type industriel pour y trouver quelque collier en or conçus par l’artiste. S’ils ont trouvé une pièce ils peuvent la prendre avec eux.
Surasi Kusolwong
L’installation remet en cause l’exposition traditionnelle. Elle peut parfois dénoncer le pouvoir du musée de faire l’œuvre d’art, ou de l’ignorer. Elle quitte aussi le musée, la galerie pour investir le paysage urbain ou naturel.
Paul Cummins et le scénographe Tom Piper, poppies, une installation monumentale in situ 888, 246 coquelicots en céramiques (fabriqués à la main), Tour de Londres.
Pour le centenaire de la Première Guerre Mondiale, la Tour de Londres a été entourée d’une véritable mer de coquelicots de céramique, réalisés à la main. Le but de Paul Cummins et Tom Piper était de commémorer les 888, 246 victimes britanniques de ce confit. La première feur a été plantée le 5 août 2014, date qui marque l’entrée en guerre de la Grande Bretagne. La dernière a été placée le 11 novembre, jour du centenaire de la fin de la Grande Guerre pour les Anglais
La participation du spectateur :
La participation du spectateur est importante dans cette œuvre car d’une part son déplacement lui permettra une vue globale ou détaillée, d’autre part l’achat des coquelicots plantés au fur et à mesure a permis de donner un aspect monumental à l’œuvre.
Dans tous les cas, l’installation encourage une réflexion sur son site et son contexte.
L’installation utilise et fait dialoguer des supports et des objets très divers : photo, vidéo, sculpture, ready-made, architecture, performance…
Elle vise parfois à atteindre l’œuvre d’art totale qui franchit les frontières entre les disciplines. Ainsi va-t-elle proposer des démarches hétérogènes empreintes de plusieurs domaines.
Nam June Paik est précurseur des installations multimédia.
Nam June Paik, Electronic Superhighway: Continental U.S., Alaska, Hawaii, 1995, installation vidéo cinquante et un canal (y compris un aliment de télévision en circuit fermé), l’électronique de commande, l’éclairage au néon, de l’acier et du bois; couleur, son, Smithsonian American Art Museum
Nam Juin Paik, Watchdog II , 1997, cadre en aluminium, cartes de circuits, cornes d’interphone, haut-parleurs audio, Panasonic caméscope, lampe de bureau, trois 13 « Samsung modèle téléviseurs TXD 1372, un 9 » modèle de téléviseur KEC 9BND, neuf 5 « modèle téléviseurs Magnavox , 62 X 67 X 19 « .
Encore quelques exemples pour le plaisir :
Les installations photographiques de Jee Young Lee
Les installations de Jee Youg Lee sont destinées à la photographie. Elles rappellent celle de Sandy Skoglund :
Sandy Skoglund
Anila Quayyum-agha-intersections-image courtesy of sarah’s throne
Anish Kapoor
Chiharu Shiota, basel-2013
Claude Lévêque, Le Grand Sommeil, MAC/VAL, 2006
Claude Lévêque, Le Grand Sommeil, MAC/VAL, 2006
Claude Lévêque, Le Grand Sommeil, MAC/VAL, 2006
Cornelia Parker, 1992
Cornelia Parker
Les installations de Do Ho Suh :
Les installations Suzan Drummen :
Les installations de Christo :
Surrounded Islands, Project for Biscayne Bay, Greater Miami, Florida, dessin en deux parties (38 X 244 cm et 106,6 X 244 cm), 1982
Ce travail a été effectué à Biscayne Bay face à Miami en Floride. 603 850 m2 de tissu de polypropylène rose.
Plus sur Christo : voir les articles du blog :
Christo et Jeanne-Claude redéfinissent le paysage
Analyse d’oeuvre : L’emballage du Reichstag par Christo
Kristian Nygard, not-red-but-green-olso, photo by jason olav benjamin havneraas – courtesy of noplace
Gilles Barbier, l’hospice, 2002
Gilles Barbier, ivrogne 2004
Pour terminer, l’installation permet un rapport entre l’oeuvre, l’espace et le spectateur. Elle est en constante évolution car elle réinterprète les nouvelles technologies et peut utiliser des formes plus classiques de l’art qui y sont intégrées, comme la sculpture ou la peinture.
© S. Ladic
Excellent post merci
mille merci pour ce document
Très bonne publication avec des installations pertinentes dont certains es sont très intéressant ėdites pour moi.
Merci
Très bonne publication avec des installations pertinentes. Certaines sont très intéressantes et inėdites pour moi.
Merci
Pingback: Une installation qu’est-ce que c’es...
Bonjour Mme Ladic,
Comme toujours un excellent travail de reportages sur des artistes actuels et d’explications Cet article qui me sera très utile pour mes élèves de terminale .Un grand merci .
Pingback: Analyse de The Tower Poppies de Paul Cummins et Tom Piper
Très interressant merci
Merci pour le partage de cette recherche de qualité …comme toujours!
Brig.
Quels sont les rapports lorsqu’on je fais senaerio pédagogique
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Merci ça m’aide dans mes cours avec les élèves
merci!
j’ai pu comprendre encore plus ce que c’est qu’une installation
« Il semblerait que de nos jours, l’art de l’installation soit le médium préféré de tout le monde. » Robert Smith, Critique d’Art, 1993
J’aurais aimé vous avoir comme professeur d’art plastique. Mon professeur de philo a fait que je suis devenue psychologue. je suis toujours attirée par l’art. J’ai fait quelques toiles et j’ai pensé un nouveau courant depuis quelques années. Il n’est pas encore sorti. J’ai souvent des idées créatives que je ne peux pas réaliser et qui sortent qques temps après…Pas grave.Votre site me donne des pistes je vais commencer par acheter le Manifeste d’André Breton sur le surréalisme et m’en imprégner. Merci beaucoup pour toutes ces informations.
Merci de votre témoignage, on trouve beaucoup de richesse à créer, sans être un grand artiste. Le bonheur c’est aussi ce penchant de l’art. Bonne inspiration !
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