
Alors que nous étions sur une incitation visant à présenter un travail de façon scientifique, Jean-Olivier, surnommé « J.O. », élève de 5e nous a ravi de sa trouvaille.
Détournant un vieux jouet et après quelques adaptations techniques, la machine a trouvé de nombreuses utilités. Nous retenons dans cet article sa fonction de machine à dessiner afin d’établir un parallèle avec les machines à dessiner de Jean Tinguely, précurseur en la matière.
La vidéo suivante vous montre les quelques essais réalisés avec le soutiens des camarades de classe fort intéressés par l’engin.
J’ai volontairement laissé les commentaires, les bruits de fond, l’accueil du travail auprès de la classe.
J.0. prend avec humour les réflexions comme « tu ferais plus vite en écrivant à la main », assumant le côté absurde et dérisoire de sa création. A la question « c’est toi qui l’as inventé ? » il répond modestement « non », sachant qu’il a adapté un mécanisme préexistant. Et pourtant le détournement et la réappropriation du mécanisme fait art, son aspect scientifique fait acte de façon remarquable à l’objectif d’une présentation scientifique. C’est un savant mélange d’art et technologie.
Le son a son importance et apporte de la réalité.
La vidéo : La machine à dessiner de J.O.
Quelques photographies des essais :
J.O. en plein essai de sa machine
Références : Les machines à dessiner de Jean Tinguely
Pour ouvrir au champ des références artistiques, la perche est tendue pour présenter les machines à dessiner de Jean Tinguely.
J.0. découvre qu’un artiste célèbre a eu la même idée que lui ! Alors voici un spécial dédicace pour J.O. les machines à dessiner de Tinguely :
En 1955, Jean Tinguely réalise trois machines pour produire de manière mécanique des dessins. Elles sont présentées lors de l’exposition « Le mouvement » ; une exposition proposant un état des lieux de l’Art Cinétique. Ces œuvres sont remarquées parce qu’elles ont la particularité d’être une œuvre qui produit elle-même des œuvres. Il en est de même pour les Meta-Matics » qu’il confectionne 4 ans plus tard.
L’artiste nous propose un dessin en devenir, le spectateur complète l’œuvre, alors qu’il était passif face à l’art, il devient acteur de la création, actionnant un système de balancement, un bouton, un bras articulé ou encore en pédalant, comme pour le Cyclograveur.
En 1954, Tinguely dit pratiquer alors, « la peinture abstraite d’une manière désespérée », avant d’en finir, quelques années plus tard, une fois pour toutes avec la peinture et l’abstraction en créant ses Méta-matics, machines à dessiner automatiques, animées par un moteur à explosion. Le célèbre Méta-matic 17, qui fut en 1959 la vedette de la première biennale de Paris, est conservé au musée d’Art moderne de Stockholm où il fonctionne une fois par semaine.
Les dessins produit sont totalement différents les uns des autres. Il s’agit chez Tinguely d’aborder une nouvelle approche de la réalité.
Ici, Tinguely établit ironiquement un lien entre la machine et l’homme. Il interroge le statut de l’art dont la réalisation devient tributaire d’un mécanisme. L’artiste perdrait-il son pouvoir ? L’oeuvre perdrait-elle son statut d’oeuvre d’art ?
Qu’apporte l’interaction du spectateur ? Le dessin devient-il un acte mécanique ?
Video de Meta-Matic N°10 :
Le 12 novembre 1959 : soirée « Cyclo matic » organisée à l’ICA (Institute of Contemporary Arts) à Londres. Il s’agit d’un happening avec coureurs cyclistes et machines à dessiner.
En 1959, la Biennale de Paris est inaugurée par André Malraux, au Musée d’art moderne de la ville de Paris, avec une machine produisant des peintures en série.
Construites en partie à l’aide d’objets de récupération, les «machines» de Tinguely, consciemment imparfaites, refusent le culte de l’objet neuf produit par une société de consommation.
Jean-Tinguely, Cyclograveur, 1960
« Je ramène la machine à un état plutôt poétique et je fais des commentaires ironiques c’est certain. Je veux faire des farces et attrapes, je veux faire des blagues, je veux être sérieux, je veux provoquer. J’ai fait des machines à dessiner qui étaient uniquement là pour ennuyer les peintres abstraits expressionnistes c’est-à-dire les tachistes qui eux faisaient que ça, faisaient que ça, faisaient que ça. »
Par ses machines à dessiner, Tinguely cherche à illustrer l’idée qu’une œuvre d’art n’est pas une création définitive ni close, mais qu’elle peut être elle-même créatrice, impliquer le spectateur.
Pour en savoir plus sur les machines à dessiner de Tinguely : http://partage-du-sensible.blogspot.fr/2011/10/les-machines-peindre-de-jean-tinguely.html
En conclusion
Il est sûr que la démarche de J.0. ne relève pas d’une critique de l’art abstrait dans son intention mais d’une certaine manière cette machine de l’an 2014 nous propose comme Tinguely de l’humour et de la dérision, faisant de l’acte artistique un évènement unique et aléatoire. Il aurait été dommage de ne pas garder de trace de ce moment précieux dans la pratique des cours de l’année. Pour information, J.O. a connu un tel succès auprès de ses camarades avec son engin à faire des dessins, qu’il l’a rapporté durant 3 cours afin de répondre à la demande de ses camarades de l’essayer. Quand l’art devient interactif…
Questions à aborder : comment la science, la technologie peuvent-ils être un élément constitutif d’une production artistique ? Comment la présentation peut-elle influencer la perception de l’œuvre ? Comment un contexte emprunté au réel permet d’influencer la perception d’une fiction ? Comment encore l’art et la science peuvent-ils se côtoyer ? La machine peut-elle se substituer à la création de l’artiste ? …
S. Ladic
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