
Voici l’analyse d’une œuvre en mémoire des victimes britanniques de la première guerre mondiale : une mer rouge sang de coquelicots aux dimensions monumentales. « The seas of red » de Paul Cummins et Tom Piper peut servir dans le cadre de l’histoire des arts et des cours d’arts plastiques et visuels.
Présentation générale
Titre de l’œuvre
Seas of red ou The Tower Poppies
Nature de L’œuvre
C’est une installation in situ et participative
Genre de L’œuvre
C’est une œuvre commémorative (à la mémoire de…)
Artiste / Auteur
Date de création
2014
Catégorie
Domaine / thématique possibles
Eléments de recherche
Repérage chronologique
- · 1ere guerre mondiale : 1914 _ 1918
- · Jour d’entrée en guerre de la Grande Bretagne : 5 aout 1914
- · jour du centenaire de la fin de la Grande Guerre pour les Anglais : 11 novembre
Courte biographie des artistes
Paul Cummins : Paul Cummins est céramiste (un artisan qui fabrique des objets en céramique) : il crée souvent des fleurs en céramique et a réalisé de nombreuses commandes publiques en Angleterre.
© ici
Tom Piper : Tom Piper est designer, il conçoit notamment la scénographie pour des pièces de théâtre. Sa collaboration dans cette installation a été d’imaginer la vaque de coquelicots pour donner la forme d’ensemble de l’installation.
© ici
Le lieu : la tour de Londres
Construite au XIe siècle, la Tour de Londres est une forteresse historique située sur la rive nord de la Tamise, à Londres : elle a servi de palais royal, d’arsenal, de forteresse, d’Hôtel de la Monnaie, de ménagerie et de maison des joyaux. La tour Blanche donne son nom à l’ensemble de la forteresse, qui a aussi la réputation d’avoir été un lieu d’exécution, de torture et d’emprisonnement : d’où son surnom de « Tour Sanglante ».
Lors de la 1ère Guerre Mondiale, elle a été à nouveau utilisée comme une prison : au cours de cette guerre, onze hommes y ont été jugés et exécutés pour espionnage.
Contexte historique de création
Cette œuvre a été réalisée pour commémorer le centenaire de la Première Guerre Mondiale. Ici, Paul Cummins et Tom Piper rendent hommage aux 888, 246 victimes britanniques. La première fleur a été plantée le 5 août 2014, date qui marque l’entrée en guerre de la Grande Bretagne. La dernière a été placée le 11 novembre, jour du centenaire de la fin de la Grande Guerre pour les Anglais.
Description de l’œuvre et interprétation
Technique(s)
C’est une installation participative composée de coquelicots réalisés en céramique et montés sur une tige de métal. Chaque fleur a été réalisée à la main par l’artiste Paul Cummins et des assistants. Chaque fleur est modelée, teintée et cuite dans des fours à très haute température.
Une équipe supervisera l’installation selon l’idée du scénographe Tom Piper.
Une œuvre participative :
Le public achète des fragments de l’œuvre, participent à planter les coquelicots et y déambulent.
Matériaux
Les matériaux constitutifs sont la céramique et le métal.
Support
Le support de l’œuvre est le lieu lui-même, précisément la fosse de la tour de Londres.
Dimensions
La dimension est monumentale, à l’échelle du lieu.
Composition
Elle se compose de 888 246 coquelicots rouges en céramique. Les fleurs sont plantées dans le sol et débordent d’une fenêtre ou surplombent un passage extérieur.
Couleur
La couleur est donnée grâce au rouge des coquelicots, la tige métallique et le cœur noir qui jointe les deux parties.
Le point de vue
Il est double, à la fois proche et lointain. Le visiteur peut s’attarder sur le détail des fleurs, s’y frayer un chemin, le temps de l’installation, et s’en éloigner pour observer la vague sanguinolente qui colore la tour de Londres.
Les éléments en présence donnent-ils un sens ?
Sur le choix des formes : les fleurs :
L’idée de fleurs pour rendre hommage aux morts est courante ; dans de nombreuses cultures il est d’usage de fleurir les tombes.
Sur le choix des fleurs : le coquelicot :
Le « poppy » : coquelicot, fait référence à un poème que tous les écoliers britanniques apprennent par cœur et qui symbolise la mort « au champ d’honneur ».
Sur le choix des formes : une mer :
Le mouvement général de l’installation fait penser à un liquide qui coule d’une fenêtre, rempli la fosse de la tour et montre des vagues et ondoiements. Il est là pour rappeler le sang qui a coulé durant la première guerre mondiale.
Sur la couleur rouge :
Le rouge est à la fois la couleur du coquelicot mais joue un rôle allégorique puisqu’il rappelle le sang des victimes.
Sur le nombre de coquelicots :
888 246 coquelicots rouges en céramique : chacun destiné à représenter un militaire britannique ou Colonial tué durant la guerre ; soit 888 246 victimes.
Les artistes ici dénoncent la barbarie de la guerre montrant une marée de sang qui coule de la tour sanglante. Cette installation est à la fois poétique à cause de la présence des fleurs et à la fois violente et engagée pour ce qu’elle symbolise. Elle commémore un évènement historique et rend un hommage aux victimes de la première guerre mondiale.
Sur le statut de cette installation :
Cette œuvre artistique revêt une forme particulière puisqu’elle est commerciale et caritative. En effet c’est le public ou visiteur qui achète une fleur en mémoire des victimes. Cette œuvre a été vendue à l’avance et par morceaux à ceux qui voulaient y participer. Chacun pouvait obtenir un coquelicot pour la somme de 25£. Par leur geste, les acheteurs se sont mis dans la peau de collectionneurs et de donateurs à la fois, puisque les bénéfices ont été reversés à des associations caritatives. Un site de vente en ligne a été réalisé pour l’occasion, ce qui est une démarche inhabituelle dans le domaine des arts plastiques.
Le fait que cette œuvre soit fragmentable entraîne des questions sur son statut : chaque coquelicot est-il une œuvre indépendante, ou l’œuvre n’existe-t-elle que lorsque les coquelicots sont tous ensemble ? Dans le second cas, il s’agit d’une œuvre éphémère : séparés, les coquelicots ne peuvent plus rendre le même effet. Sans la « marée sanglante » qui naît de leur nombre, chaque fleur de céramique est juste décorative : ainsi, l’œuvre n’est complète que sous forme d’installation, et qu’avec les 888 246 fleurs.
Ce qui la rend in situ :
Pour rappel, une œuvre qualifiée d’in situ veut dire que cette œuvre est faite pour un lieu spécifique, elle s’y implique. Le simple fait de la déplacer corrompt son sens et ce pourquoi elle a été réalisée.
« Seas of red » ne peut être dissociée du lieu qu’elle occupe : la tour de Londres.
La participation du spectateur :
L’importance du spectateur est manifeste. Il se voit de plusieurs façons impliqué. D’une part par son action : acheter des fragments de l’œuvre, planter les fleurs en un lieu précis, et d’autre part par sa déambulation : sa promenade dans l’œuvre pourra l’amener à s’immerger au milieu d’un champ de coquelicot ou de choisir un point de vue plus global de l’œuvre pour voir la marée sanglante obtenue par l’ensemble. Aussi, son action s’accentue par son engagement pour une cause : faire mémoire du massacre, reverser les sommes impliquées dans des associations caritatives. Il prend aussi la fonction de collectionneur d’art.
C’est aussi le spectateur qui donnera son ampleur à l’œuvre puisque c’est le nombre qui en permet l’effet monumental attendu. Quelques fleurs n’auraient pas suffi.
Peut-on la rapprocher d’autres œuvres ?
Quelques pistes pour comparer c’est-à-dire mettre en avant les ressemblances et les points communs :
Des installations et œuvres à la mémoire de … :
- · voir aussi Guernica de Pablo Picasso
- · voir aussi Les expulsés d’Ernest Pignon Ernest
- · 2 146 Pierres, Monument contre le racisme (titre évolutif) ou Le monument invisible de Jochen Gerz. Voir l’analyse ici.
- Jochen Gerz et Esther Shalev-Gerz, Monument contre le fascisme, inauguration le 10 octobre 1986,disparition totale le 10 novembre 1993.L’œuvre a été progressivement enfouie dans le sol et aujourd’hui, seuls sont visibles au centre de la place le sommet de la colonne aujourd’hui sous verre et le panneau de texte invitant les personnes à signer.
- Peter Eisenmann, Monument à la shoah
- · Jeff Wall, Dead Troops Talk, 1992
- · Ernest Pignon Ernest : Les gisants de la Commune de Paris, centenaire 1971
- · La fille à la fleur, Marc Riboud, 1967
- …
Regard sur l’œuvre
Pour s’approprier l’œuvre et montrer qu’on l’a comprise, il revient à chacun d”exprimer son ressenti, donner un avis personnel, les questions que soulèvent l’œuvre…
Lexique de base – mots clé
Installation / dimension / espace / spectateur / in situ / œuvre participative / œuvre commémorative…
Pour conclure
Une image vaut mieux qu’un long discours, avançons-nous vers la paix avec Banksy, “Wallpaper” :
Bonne semaine de paix.
Rédactrice : © S. Ladic – http://e-cours-arts-plastiques.com
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Magnifique!!!!Merci!!!!
c’est vraiment c’est touchant merci sylvia
raymond.mijo@free.fr Les coquelicots de Londres existent t’ils encore aujourd’ hui ?
Non, une oeuvre éphémère.
^ Commonwealth War Graves Commission Annual Report 2010–2011 Archived 4 November 2015 at the Wayback Machine. This includes a table of numbers of war dead (page 45); 888,246 is the figure for identified burials and names listed on memorials, for the UK and colonies (not including dominions ).
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